16.3.2021, Sophie Michaud Gigon
La réflexion de Sophie Michaud Gigon Secrétaire générale de la FRC
La FRC a une vision claire de l’agriculture: garantir qu’elle soit de proximité et renforcer les circuits courts, gages d’un lien fort entre producteur et consommateur. C’est ainsi qu’on se rend compte de la valeur de la nourriture. La FRC revendique des produits sains, frais et de qualité, sans OGM, une provenance dûment étiquetée, de la transparence sur les marges. Tant pour notre santé que pour la préservation de la planète, nous devrions voir une diminution progressive de l’utilisation des produits phytosanitaires.
Cette vision responsable et réaliste rejoint celle de beaucoup d’agriculteurs en Suisse. Nous avons de nombreux combats communs et les menons ensemble depuis des années et de manière toujours plus renforcée.
Mais quand on parle santé, eau potable et résidus de pesticides, les représentants des consommateurs sont plus exigeants que ceux des paysans, ou du moins que le lobby agricole dominant. C’est important de le mentionner, car les 55 000 exploitations suisses ne sont pas toutes du même avis ni représentées par une seule organisation. Dans le cadre du débat qui échauffe actuellement les Chambres, Bio Suisse, IP-Suisse, la Kleinbauern-Vereinigung ou l’Union suisse des paysans (USP) ne sont pas d’accord: cette dernière veut suspendre la politique agricole, au grand dam de la plupart des autres organisations audibles sous la Coupole, comme des cantons in corpore d’ailleurs.
La politique agricole (PA), un programme discuté par le Parlement tous les quatre ans, est assortie d’une enveloppe de plus de 13 milliards. Ce n’est pas rien. Alors oui, on est regardant et on en demande beaucoup aux agriculteurs suisses. Et oui aussi, au fil des ans, cette PA est devenue un monstre bureaucratique. On y a ajouté des incitatifs de toutes sortes, pour combiner liberté entrepreneuriale, base d’approvisionnement et exigences environnementales.
Le projet du Conseil fédéral offrait cette fois-ci des avancées notables dans les domaines environnementaux, économiques et sociaux. Nous aurions appuyé l’assurance pour les récoltes ainsi qu’une véritable prévoyance financière pour les partenaires d’exploitation (la plupart du temps les conjointes), de même que des allègements administratifs. Ceci concourt à pérenniser notre tissu agricole. On aurait sans doute longuement bataillé sur la diminution nécessaire de l’empreinte environnementale (engrais, fourrage, phytosanitaires), notamment en diminuant les têtes de bétail non adaptées au site, comme les halles à poulets et à porcs. Mais au moins on aurait débattu, cherché un consensus.
En faisant suspendre le traitement de la politique agricole 2022+ par les Chambres, le lobby agricole nous a enlevé ce droit. Le Parlement a donc dû valider l’enveloppe financière sans les mesures et la réforme qui l’accompagnent. Un sacré culot démocratique.
Et un jeu dangereux. Car c’est dans ce contexte que débute la campagne autour des initiatives populaires contre les pesticides soumises au peuple en juin. Si elles sont refusées, l’USP aura le vent en poupe pour freiner toute réforme écologique. Si elles passent, la politique agricole devra être revue de fond en comble. La FRC voulait un contre-projet à ces initiatives, un chemin moins radical, et comptait sur la politique agricole pour intégrer les légitimes attentes de la population. Sans rien sur la table, le lobby agricole prend le risque de voir les soutiens symboliques à ces initiatives augmenter.


