28.4.2020, Sophie Michaud Gigon
Parent à plein temps, bureau délocalisé et travail repensé en mode virtuel, membre de la Commission de l’économie du National en période de Covid-19… Morceaux choisis d’un quotidien chamboulé et intensément engagé.
Lundi 16 mars
Je viens de basculer, comme toute mon équipe, dans un autre monde: le télétravail. Sacré défi que de passer en mode totalement virtuel d’un jour à l’autre! Ensemble, on découvre, non sans moments épiques, de nouveaux outils. Un pan d’activités se fige: événements régionaux, dont l’assemblée annuelle, annulés ou reportés sans date précise, Bureaux Conseil et permanence juridique fermés au public, volume d’e-mails et de visioconférences qui grimpent en flèche. Mais après quelques ajustements techniques et familiaux, nous voilà sur le pied de guerre, fin prêts!
Semaine 2
J’ai d’abord cru que le rythme ralentirait. L’inverse se produit: la population a tant de questions urgentes, les arnaques et les fake news flambent. Il faut creuser, départager, informer. Et je tiens à prendre soin de tous ceux qui nous soutiennent au quotidien: donner des nouvelles, dire aux membres, donateurs et bénévoles qu’on pense à eux. L’équipe prend le mors aux dents: vite, repenser un tiers du magazine qui était sur le point d’être imprimé; vite, vite, déployer un dossier spécial corona; et tout le temps rassurer, conseiller, apporter une aide à ceux qui en ont besoin via nos juristes, les réseaux sociaux, les médias: la ruche bourdonne tous azimuts! Du coup, archivage virtuel, nettoyage de la boîte d’e-mails, ce sera pour l’été…
Semaine 3
Encore et toujours, il faut remettre l’église au milieu du village. Les tentatives d’affaiblir les droits du consommateur sont nombreuses. Les annulations de voyage, par exemple, font beaucoup de victimes. Oui, les voyagistes et les compagnies aériennes sont à la peine, mais les consommateurs ont aussi le droit de ne pas en faire doublement les frais (lire ci-contre). On compte les doléances, on les traite, on les priorise pour organiser la réplique. Solutions hydroalcooliques, transports publics, fitness, crèches, spectacles. Cette semaine, les revendications se préparent, les premiers courriers s’écrivent et partent aux autorités comme aux entreprises. A nous de négocier, d’entrer en pourparlers, de faire valoir notre point de vue.
A l’interne, on dirait bien qu’on a gentiment atteint un rythme de croisière: les séances à distance sont rodées, chacun semble trouver ses marques. L’enjeu d’un management qui se réinvente, c’est aussi de maintenir les troupes dans une dynamique où l’on sent la cohésion entre nous – même sans se voir en vrai – et que personne ne se perde en route. Pas aisé de transmettre par un outil virtuel la chaleur qui passerait facilement par un regard ou un sourire.
Semaine 4
Il apparaît que le consommateur fait aussi partie de la solution face à la crise. C’est tellement satisfaisant de voir comment la population répond à toutes ces initiatives qui émergent en matière de vente directe, ces restaurateurs et artisans qui se réinventent. L’économie, «la grande», tourne au ralenti, mais les petits commerces, eux, ont une carte à jouer dans les quartiers, et c’est maintenant, et on espère pour longtemps. Ça nous donne aussi des idées à développer, évidemment!
J’ai maintenant un peu de recul sur le télétravail et observe d’un oeil critique ce glissement entre vie privée et professionnelle. Ce besoin d’être toujours connectée pour ne rien manquer au boulot, tout en faisant les courses pour les parents. Drôle de mélange des genres. Habituellement, la maison est un refuge après une journée intense; aujourd’hui, je me demande pourquoi j’entends mes enfants claquer des portes alors que je suis au téléphone avec un journaliste. Et aussi pourquoi j’échange sur un dossier avec une collègue à 21 heures alors que je devrais vraiment les mettre au lit. Je ressens le manque d’une délimitation de l’espace-temps qui était plus claire, plus simple.
Semaine 5
C’est une semaine de concrétisation: un nouveau magazine se boucle, et sans encombre; un projet inattendu pour nous voit le jour dans lequel la FRC rappelle son soutien à l’économie de proximité en s’associant à une plate-forme de vente communautaire favorisant les circuits courts et l’économie locale.
Alors que la session de mars s’est abruptement interrompue sous la Coupole, ma vie de parlementaire a repris avec les travaux à la Commission de l’économie. Après avoir suivi en coulisses et commenté ce que fait le Conseil fédéral, il est temps désormais de préparer des propositions pour soutenir les indépendants, les crèches, les médias. J’appelle des collègues d’autres partis pour sonder leurs intentions. Et je m’apprête à siéger de longues heures à 2 mètres de distance dans une salle de bal aménagée pour l’occasion…
Au moment d’écrire ces dernières lignes, je me dis que, finalement, pour une organisation comme la FRC, qui travaille avec des gens de toute la Suisse, l’expérience du semi-confinement sera fructueuse. Elle montre qu’il sera plus facile de nous retrouver avec nos six antennes cantonales, le Comité directeur et les commissions, alors qu’il est si compliqué, en temps normal, de faire coïncider les agendas. Alors oui, certains projets de grande envergure prennent du retard, mais le moment présent est créatif et source de jolies surprises aussi, fondatrices d’un avenir prometteur.


