5.9.2023, Laurianne Altwegg, Jean Busché, Rebecca Eggenberger, Yannis Papadaniel coll. scientifique: Lionel Cretegny
La 51e législature parlementaire touche à sa fin, il est temps d’en tirer des conclusions. Elles sont sévères, les améliorations en faveur des consommateurs ont largement brillé par leur absence.
Au début de la législature, la FRC avait appelé les nouveaux élus à agir en faveur des consommateurs, le Parlement ayant un rôle prépondérant à jouer dans l’amélioration du cadre législatif afin qu’il les protège davantage. Notre association a elle-même redoublé d’efforts pour documenter certains combats, via ses tests et enquêtes notamment, et informer largement. De même, elle a proposé des solutions concrètes et a tenté de rallier les parlementaires de tous les bords politiques, de l’intérieur cette fois, puisque sa Secrétaire générale défend les intérêts des consommateurs – une première pour la FRC – au Conseil national.
Pratiquement, au terme de ces quatre ans, le bilan est sévère: il n’y a pas eu d’améliorations nettes, l’échec le plus cuisant portant sur le système de santé qui, malgré les propositions, n’a pas évolué d’un iota. Durant toute la législature, les écueils tant politiques qu’institutionnels ont été trop nombreux. Le climat a certes été particulier aussi, le Covid et la guerre en Ukraine ayant boulversé le programme des sessions.
Comment nous avons évalué
L’analyse, cette fois, porte sur une sélection de 54 votes déterminants pour les consommateurs. La FRC a classé 50 objets discutés au National selon les cinq domaines dans lesquels elle réclame des mesures courageuses de la part du Parlement. Sur 54 votes, 18 portent sur des modifications législatives, 36 sur d’autres types d’objets (19 motions, 6 postulats, 7 initiatives parlementaires et 4 cantonales). L’issue de ces votes-là est moins contraignante pour le législateur; si leur poids est moindre, ils témoignent de la perméabilité des Chambres à certains thèmes.

La FRC a développé sa propre méthode d’analyse pour interroger les fichiers de votes émis par le Parlement. Les votes des représentants de toutes les régions linguistiques ont ensuite été comparés aux recommandations de la FRC. Sur cette base, elle a pu générer les graphiques (par parti et par élu) qui constituent la base empirique qui a servi à tirer ses conclusions. L’analyse porte sur 19 sessions parlementaires (la législature en compte 22), ce qui représente quelques 5240 votes au total.
Le vote électronique est désormais d’actualité au Conseil des États. Néanmoins, une analyse fine n’a pas pu s’étendre au vote nominatif des représentants des Cantons, les détails du scrutin n’étant pas communiqués. Un manque de transparence problématique.
Enfin, le classement 2023 n’est pas comparable à celui de la précédente législature, la FRC ayant choisi de faire une analyse plus granulaire et surtout thématique.
«Cette législature n’aura pas été à la hauteur de nos enjeux: les réformes nécessaires n’ont pas eu lieu.» Christophe Barman, Président de la FRC
Résultats globaux et par partis
À première vue, la Chambre du peuple réalise un score d’ensemble moyen: 29 votes sont en adéquation avec les recommandations de la FRC et ont passé la barre du National. Les décisions liées aux prix justes, ainsi que celles en rapport avec l’alimentation et les substances indésirables ont obtenu un certain succès. À l’inverse, la durabilité, la publicité et la protection des consommateurs et des assurés ont subi de gros revers. L’action collective, elle, n’a toujours pas été traitée.
Ce score est à relativiser car seul un tiers des 18 modifications législatives rejoint l’intention de vote donnée par la FRC. L’adoption du contre-projet à l’initiative populaire «Stop à l’îlot de cherté» a permis une amélioration de la Loi contre la concurrence déloyale et l’interdiction du blocage géographique diminue les discriminations dans les transactions en ligne entre la Suisse et l’étranger.
Une grande partie (23 sur 36) des motions, postulats, initiatives parlementaires et cantonales soutenues par la FRC a, elle aussi, passé la rampe. Les succès sont notables sur les thèmes de l’alimentation et de la lutte contre les substances indésirables. Le greenwashing, le génie génétique et les glyphosates ont, eux, été largement boudés. Le Conseil des États soutient moins d’objets. Tous secteurs confondus d’ailleurs, seuls 16% des dépôts parlementaires sont soutenus par les Chambres in corpore.
En outre, la FRC a fait émerger des sujets dont les élus se saisissent: documenter les dark patterns, concrétiser la réparabilité des objets ou s’intéresser aux microtransactions (jeux vidéo).
Sans surprise, les différences entre groupes sont fortes. Le travail parlementaire a tout de même montré que des collaborations entre la FRC et toutes les formations étaient possibles. Un regret? Que la protection des consommateurs et des assurés, la durabilité et l’énergie trouvent si peu d’écho au centre et à droite (lire Forces et soutiens).

Freins et blocages
BLOCS et MAJORITÉ | Si la voix des consommateurs n’est pas suffisamment entendue, c’est principalement parce que la logique qui domine est de privilégier l’expéditeur avant la proposition (même lorsqu’elle est bien étayée), de voter principalement en blocs (soit par idéologie, soit par manque de temps) et de privilégier certains intérêts sectoriels sans pondération ni vision d’ensemble. Plus le rapport de force penche d’un côté, moins le compromis est recherché par les parlementaires. L’alliance de circonstance des faîtières économiques traditionnelles, réunies sous le nom de «Perspektive Schweiz», accentue ce déséquilibre en bloquant des évolutions bénéfiques pour les consommateurs.
ADMINISTRATION ET CONSEIL FÉDÉRAL | Un autre écueil de poids provient du Gouvernement, qui s’oppose par principe à la plupart des propositions d’améliorations, et ne considère pas les consommateurs comme partie prenante de l’économie. Il n’existe ainsi aucune base légale pour soutenir financièrement l’existence d’une faitière défendant les intérêts des assurés-patients (celle des assureurs existe, ndlr). Concernant les réformes du système de santé, p. ex., le Conseil fédéral n’a montré aucune volonté, par l’entremise du Département de l’intérieur, dont l’OFSP, d’intégrer des organisations dont la nôtre dans des discussions ou de leur attribuer davantage de moyens. Globalement, l’Administration est peu sensible à la défense des consommateurs, hormis de bonnes expériences avec l’OSAV sur le droit alimentaire et l’OFJ sur celui de la garantie.

CONSEIL DES ÉTATS | De par sa culture, son fonctionnement et sa composition, cet organe freine énormément l’acceptation des motions et initiatives parlementaires par l’Assemblée. Il a ainsi torpillé 14 motions sur les 19 que la FRC soutenait et qui avaient passé la barre du National. Le secteur de la santé en a fait tout particulièrement les frais. Tout comme le comparateur des prix à la pompe ou l’enquête sur le marché de l’énergie. Les États se sont montrés plus magnanimes sur les questions liées à l’alimentation avec un objet permettant de lutter contre la fraude et un autre sur les résidus toxiques. Maigre moisson, compte tenu du travail engagé.
Forces et soutiens
Mais si les graphiques de notre bilan sont parlants, le clivage gauche-droite est à nuancer. L’expérience a montré des ententes possibles de manière régulière avec Le Centre, sur certains dossiers avec le PLR et l’UDC. Mais cela repose avant tout sur des individualités, notamment le Vaudois Olivier Feller et la Fribourgeoise Isabelle Chassot, qui président l’Intergroupe Consommation. Le travail d’information et de réseautage est clairement plus développé avec les Romands qui connaissent bien la FRC. L’entremise de Sophie Michaud Gigon a permis de soigner les contacts de manière plus ciblée au Parlement, mais les échanges dépassent largement ce seul cadre. L’expertise des spécialistes FRC et la production d’information font réagir. Cela débouche sur des collaborations. Des sujets tels que les marges des distributeurs, les abus des maisons de recouvrement ou l’îlot de cherté ont ainsi été portés par les élus de tous bords politiques.

Malgré des ressources très limitées par rapport à des lobbies comme Economiesuisse, la FRC parvient à se positionner sur des dossiers extrêmement divers, en privilégiant contact et information très en amont des débats. Ainsi, suite à notre enquête sur les marges des distributeurs, Isabelle Pasquier-Eichenberger (GE), à la fois parlementaire et membre de longue date de la Commission de la FRC agriculture-alimentation, s’est engagée en faveur de l’instauration d’un Observatoire des marges pour une meilleure transparence des prix sur les denrées. Sur le thème des abus des maisons de recouvrement, autre combat de longue date, Vincent Maitre (GE) a défendu un projet de réglementation visant à encadrer leurs méthodes et à plafonner leurs frais. Ce niveau de collaboration, s’il est difficilement mesurable, reste déterminant pour notre association. Il apparaît en effet nécessaire de passer par des élus, moins clivés, prêts à porter des éléments au sein de leurs groupes respectifs. Cet effort continuera lors de la prochaine législature.
À télécharger en format PDF, les listes des votes individuels en adéquation avec les recommandations de la FRC par parti (ordre alphabétique) sur une sélection de 54 objets déterminants (objets en PDF) pour la défense des consommateurs entre 2019 et 2023 au National. Les fichiers suivants comprennent les votes des Romands, des Alémaniques et des Suisses italophones:


