6.11.2012, Propos recueillis par Nicolas Berlie / Photo: Sébastien Féval
Droits d’auteur numériques et action de groupe sont deux dossiers chauds en Europe. Interview de Monique Goyens, à la tête du BEUC.
Une pointe d’accent allemand pour un français parfait: issue de la minorité germanophone de Belgique, Monique Goyens est la directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), dont la FRC est la représentante suisse.
D’abord, une question frontale: à quoi sert le BEUC?
Le BEUC fédère les associations nationales – soit 42 membres issus de 31 pays. Tandis qu’elles œuvrent à l’échelon national, nous sommes actifs à Bruxelles. L’idée, c’est d’encercler les décideurs; prenez les députés européens, ils «subissent» notre lobbyisme deux fois, d’abord dans leur pays, ensuite au Parlement européen. Ainsi, nous avons obtenu des résultats, comme dans l’itinérance mobile.
Un domaine où la Suisse est très en retard. A noter que la FRC a adhéré au BEUC en 1992, l’année même où la Suisse rejetait l’EEE…
C’est vrai, mais il n’y a pas de frontière pour le consommateur! Un Suisse qui part en voyage a les mêmes soucis qu’un Européen en cas d’annulation de vol, non? Et la Suisse est de toute façon touchée par les décisions prises à Bruxelles. La présence de la FRC parmi nos membres est précieuse: c’est intéressant d’avoir ce recul.
L’un des gros chantiers du BEUC, c’est la propriété intellectuelle sur internet…
Dans un marché commun, la règle reste la licence territoriale, les droits par pays: c’est invraisemblable. Nous sommes aux prises avec de véritables intégristes. Je ne parle pas des artistes, mais des sociétés de droits d’auteur. Je dis souvent que la technologie date du XXIe siècle et la gestion des droits d’auteur du Moyen-Age. On jette la pierre aux pirates, mais donnez-nous plutôt une vraie alternative légale!
Au plan juridique, vous défendez l’idée de l’action collective en Europe – la FRC fait de même ici.
Prenez Lehman Brothers ou les prothèses PIP: dans ces affaires très médiatisées, on a pu faire bouger les choses. Mais, en général, les consommateurs ne vont pas en justice, surtout si le dommage n’est pas très important. Vous achetez une bouteille de soda d’un litre, mais remplie à 90 cl; vous n’allez pas en justice pour ça. Pourtant, pour le producteur qui triche, ce sont des millions de bénéfice! On parle de marché libre, de multinationales, mais les frontières réapparaissent dès qu’on parle de litiges. C’est pourquoi nous défendons l’action collective au niveau européen. Seize pays l’ont déjà mise en place, mais chacun de son côté. C’est inefficace.
Et le risque de tomber dans les excès des class actions à l’américaine?
Il faut arrêter avec ça! Tout d’abord, nous n’avons pas la même culture de procès qu’aux Etats-Unis. Ensuite, on noircit le tableau: on se focalise sur les abus du système, pas sur les solutions trouvées. En Allemagne, 97% des actions collectives lancées par notre membre VZBV ont été confirmées par le juge. Au Portugal, où le système fonctionne peut-être le mieux, on compte dix cas en une quinzaine d’années. Et aucune entreprise n’a encore fait faillite.



