31.3.2016, Anne Onidi / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Le verdict est contrasté face à nos croquettes mystères. Et les emballages, trop lacunaires, ne permettent pas un choix éclairé. Résultats et décryptage.
Changer le régime alimentaire de son chien durant une dizaine de jours, c’est le défi relevé par 68 propriétaires et leurs chiens. Nos testeurs à quatre pattes ont été chargés de juger de l’attractivité des produits, leurs maîtres de l’effet de dix variétés de croquettes vendues dans les grandes surfaces et les magasins spécialisés. Ce sont 244 kilos de croquettes qui ont gagné les foyers romands pour y être dévorées ou boudées par des canidés de tout poil. Les produits étant emballés de manière anonyme, les propriétaires n’en connaissaient pas la marque.
Le résultat: quelques candidats ravis («Trop bon! Qu’est-ce que c’est?») et d’autres beaucoup plus mitigés («Mon chien s’est transformé en usine à pets!»). Reste qu’au final chaque produit aura plu à au moins un couple maître-chien. Mais, seul le Royal Canin Medium Adult volaille et céréales convainc, et de loin.
Pour Pascal Chaubert, vétérinaire et nutritionniste au Mont-sur-Lausanne (VD), ce résultat est une bonne surprise. «Comme Hill’s et Purina Proplan, Royal Canin possède ses propres laboratoires de recherche. Je trouve encourageant que le jury ait davantage plébiscité le produit de cette marque. Les autres fabricants se contentent de copier des recettes, sans pratiquer de contrôles de qualité. Le fait qu’ils divulguent peu d’informations n’inspire pas vraiment confiance.» Une qualité supposée qui se paie cher, puisque ces croquettes coûtent près de 9 francs le kilo, soit neuf fois plus que les références premier prix.
«Des allégations exagérées, voire fausses»
Des os solides, de bonnes dents, un pelage luisant, de meilleures défenses immunitaires, une digestion facilitée, voire un regain de joie de vivre… Tout cela rien qu’en mangeant des croquettes! Encore faut-il que ces affirmations soient avérées. Les propriétaires ont donc scrupuleusement observé leur compagnon pour noter d’éventuels changements dans l’aspect des poils, l’haleine, la qualité des selles et la forme physique. Les croquettes Pedigree sont les seules à convaincre sur tous les plans, alors que celles de Matzinger ne semblent montrer aucun effet bénéfique. Selon Pascal Chaubert, «l’alimentation joue un rôle primordial dans la santé de l’animal. Cependant, beaucoup d’allégations sont exagérées, ou en tout cas difficiles à vérifier.»
On l’aura compris, les promesses des fabricants ne sont pas des critères sur lesquels les maîtres peuvent raisonnablement se baser pour faire leur choix. Mais alors comment différencier les bonnes et les mauvaises croquettes? «Selon mon expérience, je dirais que les produits les plus fiables sont ceux qui possèdent le moins d’illustrations de céréales, de légumes et de viande sur leur emballage!» plaisante à moitié le vétérinaire.
Paquets aguicheurs et informations lacunaires
Les emballages, nous les avons justement scrutés pour connaître la qualité nutritionnelle des dix candidats. Las, nous avons dû y renoncer tant les informations sont livrées au compte-gouttes pour certains. Selon Pascal Chaubert, l’étiquetage des aliments pour animaux a une grande marge d’amélioration. «Les valeurs que les fabricants sont tenus d’afficher sont insuffisantes pour juger de la qualité des produits.» Autre problème, difficile de savoir quelle quantité de sel contiennent les croquettes, alors que la surconsommation de sodium affecte, avec le temps, autant les chiens que l’homme. A contrario, les quantités de vitamines sont systématiquement détaillées. Des valeurs que le vétérinaire juge positives, non sans ironiser: «Des vitamines, il y en a au moins toujours assez.» Enfin, attention aux additifs: ils sont mentionnés séparément, dans la catégorie «additifs technologiques», et non parmi les ingrédients. Une particularité qui complique la traque…
Tant que les industriels ne feront pas preuve de plus de transparence, les propriétaires d’animaux de compagnie devront se contenter d’effectuer des choix hasardeux. Et de se fier aux goûts de leurs compagnons. Ce qui n’est pas forcément judicieux, précise le spécialiste: «Après plus de 20 000 ans de domestication, le chien a perdu tout instinct de ce qui est sain pour lui.»
Pelage brillant, énergie: pour Foster, la différence ne tient pas à la croquette. Jean-Luc Barmaverain
Recettes opaques
«Scrutez l’étiquette»
Il y a deux ans, Pascal Chaubert a tenté de convaincre les fabricants de faire analyser leurs croquettes par un laboratoire indépendant. Or moins de 50% d’entre eux ont répondu… et toujours par la négative. Ses conseils pour faire le tri entre bons et mauvais aliments.
A quoi faut-il être attentif à l’achat?
La viande fraîche, souvent mise en avant, n’est pas un gage de qualité en soi. A l’opposé, une farine animale de qualité peut apporter de bons nutriments. Les taux de protéines et de graisses sont peu informatifs tant qu’on ne connaît pas la qualité des acides aminés ou acides gras qui les composent. En revanche, il est bon que le taux de fibres non digestibles («cellulose») tourne autour des 2%-3%. Le calcium, lui, ne devrait pas dépasser 1,3% et le phosphore 1,1% pour certaines races. Les oméga 3 doivent être supérieurs à 0,4%. Des valeurs, hélas, souvent omises.
Que penser des régimes sans céréales et sans gluten?
Les régimes tels que le BARF (des os et une nourriture brute) partent du principe que les chiens ne digèrent pas les céréales. Cette croyance a été démentie par des études sérieuses récentes. Le chien n’est plus un loup. Il a besoin de manger des glucides, et pas uniquement des protéines et des graisses.
De quels artifices usent les fabricants pour rendre les croquettes attrayantes?
Ils sont multiples et similaires à ceux utilisés dans l’alimentation humaine. Il y a l’eau, qui rend les aliments plus tendres, moins secs et plus goûteux. Le surplus de sel est également d’un grand attrait gustatif. Tout comme les graisses, qui apportent moelleux et exhaustent les saveurs.
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