Enquête : Restauration

Filets de perche: l'affichage pèche

21.6.2011, Anne Onidi et Aline Clerc

Seuls 20% des établissements visités par nos enquêteurs indiquent leur provenance. De quoi alimenter la confusion chez la clientèle , d'autant qu'elle débourse presque autant pour des poissons importés qu'indigènes.



Sur les cartes des terrasses lacustres, elle est le classique des classiques, l’incontournable. Cette spécialité helvétique est si prisée que la nommer serait superflu. Quoique. Dans l’assiette, la perche répondra plus souvent aux appellations d’okon, ahven ou Barsch, d’origine polonaise, estonienne et même allemande. L’amour inconditionnel des Romands pour les filets de perche est tel que les espèces indigènes ne peuvent couvrir que 10% des quelque 7000 tonnes qu’ils engloutissent chaque année. Le pays importe ainsi pour l’essentiel de l’Est.

Muette comme une carte

Dès lors, les restaurants romands jouent-ils la carte de la transparence? C’est ce que les enquêteurs de la FRC ont voulu savoir en visitant 55 établissements entre le 17 avril et le 1er mai derniers, période durant laquelle la pêche est autorisée dans nos lacs. Au vu des résultats, un constat s’impose: en matière de poisson, il faut sonder pour connaître le contenu de son assiette.


Seuls 12 des 55 restaurants visités affichent l’origine exacte sur la carte ou sur un panneau. Sans suprise, pour onze d’entre eux, c’est une information positive, puisque leurs filets proviennent des lacs suisses. C’est tout à son honneur: Lake Side, à Neuchâtel, couche par écrit la provenance polonaise. Le Rivage, à Lutry (VD), indique, quant à lui, que ses filets sont importés. Contrairement à certaines viandes, il n’existe aucune obligation légale pour les restaurateurs de mentionner par écrit l’origine des poissons. Une véritable lacune pour Henri-Daniel Champier, pêcheur à Clarens (VD): « Cette indication devrait être exigée sur la carte. Le consommateur serait informé et aurait ainsi la possibilité de choisir. Quant à notre travail, il serait mieux mis en valeur. » La loi exige néanmoins que l’information puisse être donnée d’une autre manière, notamment par oral. Trente-neuf établissements ont renseigné nos gourmets anonymes, avec parfois des provenances très vagues, telles « hors de Suisse » ou « lacs d’Europe ». Dans quatre restaurants, le serveur ignorait le pays d’origine des perches ou a indiqué « surgelé » en guise de nationalité!

Anguille sous roche côté prix

Fait étonnant: 60% des établissements nous ont déclaré servir des perches de lacs suisses. Faut-il croire cette pêche miraculeuse? « C’est plausible, avance Henri-Daniel Champier. A cette période il y avait beaucoup de perches dans le Léman. Personnellement j’ai pêché quelque 30 kg par jour. »
Côté prix, l’assiette de perches meunière indigènes valait en moyenne 36 fr. 60, alors que celle de filets importés ne coûtait que 2 fr. 20 de moins. Une différence bien trop minime. L’émission A Bon Entendeur (ABE) du 7 juin sur le même sujet soulignait la forte variation des prix de gros. A savoir de 12 à 22 francs le kilo de filets étrangers vendus fin mai aux restaurateurs, alors que les prix des perches suisses peuvent parfois atteindre 70 francs le kilo!
Les pêcheurs romands ont beau pratiquer eux aussi des tarifs variables, notamment selon les saisons, l’écart des prix d’achat de matières premières ne se reflète absolument pas dans l’assiette. A noter que la section vaudoise de Gastrosuisse préconise une fourchette de prix allant de 20 à 25 francs les 100 grammes de perches locales. Et, aux yeux de Henri-Daniel Champier, « vendre des filets importés quasi au prix de ceux du Léman relève de la fraude ».

Trop chers surgelés

Le restaurant de la Pointe à la Bise, à Vésenaz (GE), fait figure d’exemple en laissant le client choisir les filets du Léman ou ceux d’Estonie pour une différence de 8 francs. Parmi les 55 établissements, 14 ont déclaré servir des filets surgelés, en grande majorité de la perche importée. Mais, contrairement à ce que beaucoup pensent, les pêcheurs indigènes le font aussi parfois avec leurs filets. Selon Henri- Daniel Champier, congeler les filets très frais, si on ne peut pas les manger tout de suite, vaut mieux pour le goût que de les laisser au frigo (au maximum cinq jours). Entre l’assiette de perches fraîches et celles surgelées, la différence de prix moyen est plus visible: 36 fr. 60 pour la première, 32 fr. 50 pour la seconde. Certains restaurants facturent toutefois plus de 35 francs une perche meunière importée et surgelée…
Au rayon des idées reçues, il faut savoir que la taille des filets ne dit rien de leur origine. Les lacs romands regorgent de perches de toutes tailles. Mais ce sont les petits filets que les restaurants plébiscitent, parce que les arêtes y sont imperceptibles. Quant à la fraîcheur, elle est vérifiée grâce à l’incurvation. « Si les filets gondolent, c’est qu’ils sont bien frais! » éclaire le pêcheur.

Meunière, tu dors…

Dans leur ensemble, les assiettes servies à nos enquêteurs ont été relativement équilibrées. Dans leur grande majorité, les enseignes proposaient une ou deux alternatives aux traditionnelles frites d’accompagnement et incluaient une salade ou des légumes à la vapeur.
Avec les filets de perche et un verre de vin blanc, nos enquêteurs ont commandé une carafe d’eau. Bonne nouvelle, elle a été servie gratuitement dans 52 établissements. A la Péniche, à Nidau (BE), elle a été facturée 2 francs, 3 fr.50 au Bellevue d’Onnens (VD). Enfin, chez Pitch, à Pully (VD), le patron a refusé de ne servir que du Château La Pompe.
La législation doit imposer aux restaurateurs d’afficher la provenance des poissons qu’ils servent à leurs clients. Ces derniers sauront ainsi ce qu’ils mangent et si cela vaut son prix. Dans un climat où le flou règne, les restaurateurs servant de la perche ne peuvent que se reposer, voire dormir, sur des lauriers dorés. Une origine affichée permettrait aussi d’opter pour d’autres poissons moins courus, comme la féra (palée, dans le lac de Neuchâtel) ou la bondelle, actuellement sous-exploitées, voire du brochet, plutôt que pour des perches d’importation. En attendant, le client a tout intérêt à s’informer auprès du serveur avant de se mettre à table.

 

 » Télécharger l’article avec le tableau des restaurants visités

 » L’interview de Henri-Daniel Champier

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Interpellation des grands distributeurs

 
Nous demandons aux distributeurs

  • cesser le marketing agressif sur les fraises, mais également sur d’autres denrées hors saison, que ce soit en rayon ou dans les différentes publications destinées à vos clients (catalogues, magazines, journaux, newsletter, etc.) ;
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  • indiquer clairement, de manière bien visible et transparente le pays de provenance ainsi que les noms des producteurs de fraises importées, que ce soit sur les affichettes qui accompagnent ces fruits en rayon, dans les publicités ou sur le dessus des barquettes ;
  • ne plus utiliser de formulations qui peuvent induire en erreur le consommateur sur la saison de la fraise en Suisse. Une demande valable pour la mise en rayon, ainsi que toute publication ;
  • être en mesure de prouver toute allégation de durabilité concernant l’assortiment.

Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)