28.4.2020, Aude Haenni et Barbara Pfenniger / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Pourquoi choisir ? Chacune a ses spécificités. Tout l’intérêt est d’offrir de la diversité et d’éveiller la curiosité.
«Là, j’ai mélangé de la farine de triticale, riche en minéraux, souple, avec du Rouge de Bordeaux qui, lui, manque de souplesse et ne procure pas de jolies alvéoles au pain. Les pro-blés anciens diraient que je suis fou! rigole Stéphane Deytard (photo). Mais chaque blé a sa spécificité; il faut être créatif.»
Sur les étals de l’épicerie de la Ferme du Petit Noyer à Suchy (VD), une farine spéciale viennoiserie côtoie la semi-complète, celle de blé bise claire, de seigle, d’épeautre… Une ancienne céréale que l’on retrouve transformée en pâtes, aux côtés d’une polenta et d’une semoule d’amidonnier. Le tout estampillé bio. «Il y a eu un virage dans les années 1940-50. Il fallait nourrir les gens avant tout, et avoir des produits résistants aux maladies, sans mauvaises herbes. L’aspect nutritionnel a été négligé au profit des besoins industriels, raconte l’agriculteur. Mon but, c’est de rendre le produit durable et le plus sain possible.»
Richesse des goûts
Si sain s’apparente pour beaucoup aux anciennes et aux pseudo-céréales, le constat fait tiquer ce passionné. «Aujourd’hui, certains ont mal au ventre et tout le monde veut revenir aux blés anciens. Il ne faut pas pour autant dénigrer la production de blé moderne suisse que Changins nous met à disposition, qui convient très bien à ceux qui n’ont aucun problème de digestion.» Selon lui, nourrir une population avec de l’engrain, par exemple, serait illusoire. La faute à des cultures difficiles, des rendements faibles, des prix élevés… «Malgré cela, je continue de travailler ces variétés, car ce choix permet d’apporter une richesse, de super-goûts et une solution pour les intolérants.»
Intolérants qui, pour certains, le seraient moins grâce au procédé de mouture à la meule de pierre, ainsi qu’aux pains levés au levain et non à la levure. Et sans ajout de gluten, parfois requis dans l’industrie pour atteindre un taux de protéine standard et faire gonfler le pain. «Il est arrivé que des gens testent du pain à l’engrain, puis ensuite à l’amidonnier et à l’épeautre, pour réaliser qu’ils pouvaient manger du blé.»
Le saviez-vous?
1kg de pain, c’est 850g de blé ou 17’000 grains, soit un mètre carré de champ cultivé.
A la Ferme du Petit Noyer, le meunier se fait un plaisir de conseiller boulangers, magasins en vrac et clients privés sur ses deux catégories de farines: celle à l’engrain, difficile à travailler mais plus digeste, et les autres, polyvalentes et avec un petit truc en plus. Quant aux nouveautés qu’il essaie, Stéphane Deytard ne les commercialise pas toutes pour autant. Question de temps et de volume. «Pourquoi se lancer si un autre le fait déjà? Autant profiter des synergies et de toute la diversité qui existe déjà en Suisse!»



