5.2.2013, Nicolas Berlie / Photo: Sébastien Féval
Alors que le marché des liseuses Kindle, Kobo ou Sony se développe, le catalogue francophone d’e-books reste lacunaire en Suisse.
On évoque souvent l’«îlot de cherté» helvétique. Mais, en matière de livre électronique, la Suisse romande est un îlot tout court: difficile, voire impossible, d’acheter un e-book sur un shop français, faute d’une adresse ou d’une carte de crédit bleu-blanc-rouge. A quelques exceptions près, comme amazon.fr. Mais là encore, une mauvaise surprise attend les clients suisses: ils n’ont droit qu’à un catalogue réduit. Les Français peuvent, par exemple, télécharger Les particules élémentaires d’Houellebecq, alors que les Helvètes doivent se rabattre sur la version poche…
Explication d’Amazon: ce sont les éditeurs qui décident, en fonction de la résidence de l’acheteur, de la disponibilité d’un contenu. Et cette dernière «peut évoluer au cours du temps», ajoute la porte-parole Stéphanie Padilla. Même son de cloche à Genève. «Les éditeurs décident des droits pays par pays, dit Olivier Réaut, directeur des produits éditoriaux chez Fnac Suisse. Or la plupart se concentrent sur les gros marchés. Depuis Paris, la Suisse romande paraît bien secondaire.»
Le débat autour du prix du livre fournit un autre élément d’explication. La différence entre le même e-book payé en euros et en francs oscille autour des 4%. C’est peu par rapport à l’écart qui existe dans la librairie physique, et cela peut justifier le coup de frein des éditeurs français. «Certains craignent sans doute que le numérique ne cannibalise les ventes de livres physiques», suggère Pascal Vandenberghe, directeur de Payot.
Qu’on ajoute à cela l’attentisme de beaucoup de petits éditeurs, et on comprend que le catalogue se réduit comme peau de chagrin dès qu’on passe au numérique. La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, édité par L’Age d’Homme, est ainsi indisponible en version e-book, tant en Suisse qu’en France.
L’exception romande
Conséquence, on observe plusieurs trous béants dans le catalogue sur payot.ch, fnac.ch ou e-readers.ch, pourtant mieux pourvu qu’Amazon. «Nous avons principalement des contrats de mandat. L’éditeur décide du prix et du contenu, et, au final, le consommateur est pénalisé», souligne Nicolas Moser, responsable numérique chez OLF, dont la plateforme est utilisée aussi bien par Fnac Suisse que par Payot. Pour illustrer le retard helvétique, Nicolas Moser cite l’exemple d’Interforum (Plon, Robert Laffont, Pocket), qui vient tout juste d’intégrer son catalogue numérique, «après deux ans et demi de négociations». Un dernier éditeur manque encore à l’appel, Flammarion.
«Il y a encore un côté artisanal dans ce secteur», renchérit Olivier Réaut. En témoignent des aberrations de prix, quand un e-book se retrouve plus cher qu’un livre papier: «Les éditeurs oublient souvent d’ajuster le prix quand un livre sort en poche, et ce type d’incohérence rend l’offre peu claire.»
Un «foutoir» qui tranche avec le dynamisme anglo-saxon, où les offres physique et numérique sont des copies conformes. Les lecteurs romands sont d’ailleurs confrontés à ce paradoxe: sevrés d’e-books francophones, ils ont accès à une offre pléthorique en anglais et en allemand…



